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Dans le cadre de la préparation de cinq grands motets à la Française de Henri Dumont et Sébastien de Brossard, le problème de la prononciation du latin se pose. En accord avec Mélanie Remaud , nous avons décidé de réaliser un travail autour de la prononciation du latin à la Française.

La prononciation du latin « à la française » ou latin gallican.

Pourquoi avons-nous choisi de prononcer la latin « à la française » ?

Le débat ne date pas d'hier et se poursuivra encore longtemps.

La réponse la plus simple que nous puissions donner est que le latin était prononcé ainsi à l'époque de la Chapelle Royale. C'est donc respecter les intentions du compositeur que de reprendre la prononciation de l'époque. Il avait imaginé le texte avec un certain son. Reprendre la prononciation ancienne est donc, en quelque sorte, respecter « l'instrumentation » voulue par le compositeur. Il s'agit de la même démarche qui consiste à utiliser des instruments de musique anciens.

De nombreux documents attestent de cette prononciation. Des grammairiens, phonéticiens, pédagogues ou musiciens ont écrit sur ce thème, dès le 16° siècle.

Nous pouvons ainsi citer Sébastien de Brossard lui-même et son « Dictionnaire de la Musique », le premier dictionnaire français sur le sujet (1). Dans cet ouvrage, Brossard décrit en détail comment émettre chaque son du latin (et du français pour les chants profanes), en donnant des exemples à l'aide de mots « françois ». Il est précis au point d'indiquer, comme les phoniatres d'aujourd'hui, l'amplitude de l'ouverture des lèvres, la position de la langue, etc… pour chaque lettre.

Cette prononciation à la française a perduré jusqu'à la fin du XIX° siècle. Des enregistrements sur rouleau de cire ou 78 tours l'atteste.
Il reste des traces de cette prononciation dans la langue française d'aujourd'hui : Comment prononcez-vous post-scriptum ? un pensum ? un modus vivendi ? un casus belli ? un mémorandum ? un digit ?

Règles de prononciation

La prononciation du latin gallican suit des règles somme toute assez simples : on prononce les mots, en général, comme on les prononcerait s'il s'agissait de mots français. Mais le français connaît de nombreuses exceptions, c'est bien connu.

* le 'u' est palatalisé (u français et non « ou » italien), ce qui donne pour 'Dominus', « dominusse » et non « dominousse ». Exception notable et courante, le son 'um' en fin de mot se prononce « ome » comme dans 'Dominum'. Les deux sons du 'u' se retrouvent dans les mot 'manuum tuarum'.
Le 'u' de 'qui' ou de 'quomodo' se prononce légèrement.

* les voyelles nasales sont respectées et non diphtonguées. Ainsi 'Tunc dicent inter gentes' se prononce « tinque dissinte intèr jantèss ».

On peut remarquer la dualité de prononciation du son 'en', tantôt « in » (toujours le cas en fin de verbes), tantôt « an ». En fin de mot, le 'n' n'est pas nasalisé mais prononcé comme dans 'nomen'.

De même le son 'un' connaît quelques variations : il se prononce tantôt « in », comme dans 'Tunc' tantôt « on » comme dans 'Euntes', 'abundans', 'confundantur' ou 'sunt'. En effet, certains mots en 'un' en latin ont donné le son 'on' en français, ce qui explique cette dualité ( 'abundans' a donné 'abondance', 'sunt' est l'exacte traduction de 'sont', etc…)

Le 'on' se nasalise comme dans 'Sion' sauf dans le mot 'non' qui se prononce comme en italien.

Le son 'in' se nasalise comme dans 'principali' sauf dans le mot 'In' qui se prononce comme en italien.

* La consonne 'j' se prononce comme en français. 'ejus' ou 'judicare' ne doivent pas devenir « éyouss » ou « youdicare » comme en italien.

* Les consonnes 'c' et 'g' suivent les mêmes règles qu'en français, ce qui donne pour 'pacem' la prononciation « passèm », mais « k » dans 'benedicam'. 'Ecce' se prononce comme dans le verbe accéder, le son « kch » utilisé en italien n'est pas correct. 'diligit' se prononce avec le son « j » mais 'gaudio' avec un 'g' dur.

(1) Sébastien de BROSSARD, Traité de la manière de bien prononcer, surtout en chantant, les Termes Italiens, Latins & François, in Dictionnaire de musique, pp. 331-350, Paris, 1703. Réimpression de l'édition d'Amsterdam, 1708, Minkoff, Genève, 1992.

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