Orphée en Isère : Vienne et St Romain-en-Gal

Images avec l' aimable autorisation des

Depuis le XIXème siècle, le hasard des travaux agricoles et des constructions modernes a révélé l'existence de très nombreuses villas datant de l'époque gallo-romaine aux alentours de Vienne en Isère. Les découvertes furent si étonnante qu'elles s'attirèrent la visite de Prosper Mérimée, futur inspecteur général des Monuments Historiques. Lors de son passage à Saint-Romain-en-Gal et Sainte-Colombe-lès-Vienne en 1834, l'auteur de Carmen écrit : " J'ai traversé le Rhône aujourd'hui pour voir le cabinet d'antiquités et d'objets d'arts de madame M. […] Pendant plusieurs années, elle a fait faire des fouilles avec persévérance dans une de ses propriétés où l'on trouvait à la surface de la terre une grande quantité de marbres antiques "

 

Il y a plus de 2000 ans, à l'époque gauloise, le pays viennois était occupé par les Allobroges, peuple qui occupait le Dauphiné et la Savoie. De par la volonté de César, Vienne devient un chef-lieu de cité et affirme la puissance de Rome. Le développement urbain est rapide et florissant dans une "pax romana" imposée par l'avancée culturelle, politique, militaire et technologique qu'ont les romains sur les Allobroges. En 50 avant JC, la ville obtient le titre de colonie latine, colonia Iulia Viennenesium puis au milieu du premier siècle elle devient colonie romaine, colonia Iulia Augusta Florentia Viennensium. Les cinq collines de Vienne abritent des vestiges parmi les mieux conservés en France de l'Empire Romain des second et troisième siècles après JC, dont le célèbre Théâtre Antique et le Temple d'Auguste et de Livie.

Temple d'Auguste et de Livie

Les villas des collines de Vienne et de la plaine de Saint-Romain-en-Gal sont riches. De nombreuses statues, colonnes de marbres, fresques murales, mobiliers décorés, poteries, etc. sont mises à jour, récupérées pour des constructions modernes, pillées sans état d'âme ou bien délicatement excavées pour être exposées dans les musées du Monde entier.

 

Mais Vienne est surtout connue pour ses mosaïques Des dieux marins et célèstes, des héros, des animaux, des fleurs, des allégories, etc. décoraient le sol des salles de réception. On mangeait allongé dans le triclinium : trois cotés étaient occupés par des lits face au côté libre où le service et les distractions étaient assurés. Orientées vers les convives, les mosaïques satisfaisaient le regard pendant que les mets et les vins de gaules comblaient le palais.

La mosaïque est l'expression d'un art de vivre convivial, en grande partie esthète, mais aussi riche de sens. Les artistes ont repris des motifs célèbres dans tout le Monde Romain. Un voyageur aurait perçu une sensation familière ici, à Pompeii, à Volubilis ou à Palmyre. Et parmi les motifs les plus rassurants offerts au regard des hôtes, les maîtres de maison aimaient Orphée.

On connaît au moins 4 mosaïques représentant Orphée dans les villas de Vienne. L'une d'elles est partie aux États Unis. Une seconde est très abîmée, ornant le salon chauffé de la Maison de l'Atrium fouillée en 1985, et exposée au Musée de Saint-Romain-en-Gal. La mosaïque effondrée dans l'hyposcaute qui chauffait la pièce est composée autour d'un octogone figurant Orphée, assis sur un rocher charmant le monde de sa lyre. Aux angles du pavement, des masques lyriques pleurent et sourient.

Cette même composition est retrouvée dans une troisième mosaïque, excavée en 1859 à Vienne dans l'angle sud-est du champs de Mars. L'octogone central montre Orphée jouant d'une lyre à 8 cordes. Sa musique charme les animaux sauvages qui ornent des octogones périphériques (sanglier, panthère, lion, cheval) et des carrés (canard, perruche, perdrix, poule sultane).

Les animaux africains sont inconnus en Dauphiné, hormis les fauves du Cirque : le motif qui a servi de modèle à l' artiste vient de l'autre côté de la Méditerranée… Orphée semble être ici un stéréotype décoratif, un cliché représentant la Culture charmant la Nature. Ce motif trouvait naturellement sa place pour un amoureux de la poésie et de la musique.

Aujourd'hui, nous sommes les témoins qu'Orphée, enfant de Thrace, était aussi une figure familière du Dauphiné…

L'Orphisme.

page d'accueil.