Le mythe d’Orphée dans l’Antiquité

Isabelle Cogitore et Laurence Vianès - (U. Stendhal)

Aux origines, le mythe d’Orphée est issu de la culture orale. Les écrits antiques sont les seuls témoignages dont nous disposons et présentent un mythe complexe dont l’histoire est déjà ancienne. Orphée charme de sa lyre tous les êtres vivants et c’est à ce titre qu’il entre dans le temple moderne dédié à la Nature et à l’Homme, le Muséum d’Histoire Naturelle. Le mythe d'Orphée pose clairement la question du devenir de l'humain après la mort et interroge sur une éventuelle résurrection. Isabelle Cogitore et Laurence Vianès trouvent dans le mythe d’Orphée certains traits des cultes des morts de l’antiquité, cultes qui dès la préhistoire sont considérés comme des caractéristiques de l’homme sage, Homo sapiens. En s'appuyant entre autre sur les quelques textes antiques qui peuvent nous éclairer, comme Plutarque, ainsi que sur les rares traces archéologiques qui peuvent s'y rapporter, l’orphisme sera exploré et comparé aux religions orientales, très en vogue sous l'Empire Romain, qui proposent d'autres réponses à cette même inquiétude. Orphée est la version grecque d’un ensemble de mythes archaïques communs au pourtour méditerranéen. Le mythe tourne autour du charme par le chant et la poésie. Dans une aventure importante et souvent ignorée, Orphée détourne les Sirènes pendant la grande épopée de Jason en quête de la Toison d’Or. On connaît mieux les malheurs d’Orphée et d’Eurydice : Eurydice est frappée par la mort le jour du mariage… De son chant, Orphée charme le Dieu des Enfers, Pluton pour qu’il libère Eurydice. Pluton est charmé et lui accorde ce qu’il n’accorde jamais : Eurydice peut suivre Orphée hors des Enfers, à condition qu’Orphée ne se retourne pas. Orphée doute, se retourne et perd sa bien aimée. Après son retour malheureux, Orphée charme les hommes de la cité et il est finalement déchiré et jeté au fleuve par les prêtresses de Dyonisos-Bacchus, rappelant le destin d’Osiris, figure légendaire d’Égypte. Déjà pendant l’antiquité, certains écrivains considèrent Orphée comme une version grecque d’Osiris. Certains éléments du mythe d’Orphée se retrouvent dans la Bible. Par exemple sous forme d’anecdotes : au moment de la fuite de Sodome, la femme de Loth se retourne et est transformée en statue de sel… Mais le grand personnage biblique qui rappelle Orphée est bien entendu le roi David. Muni d’une lyre, il chante pour son Dieu. Ses poèmes, les Psaumes de David rappellent que ce roi biblique est comme Orphée, un poète-musicien. Nous avons vu qu’Orphée était considéré comme un héritier du mythe d’Osiris puisqu’il meurt déchiré et jeté à un fleuve. Les psaumes de David trouvent des sources évidentes dans les hymnes solaires d’Akhénaton en Egypte du Premier millénaire avant JC. Nous voyons par ces observations que les mythes égyptiens, hébreux et grecs sont liés, et qu’Orphée est un mythe Méditerranéen avant que d’être Grec…

Dans cette représentation datant du 3ème siècle, le Roi David est représenté avec un bonnet phrygien, sur un rocher, muni d’une lyre et face à des animaux charmés. Tous ces attributs sont ceux d’Orphée (deuxième étage de l’arche de la Torah, synagogue de Dura Europos) Photographie du Jewish Heritage (http://www.jhom.com/topics/david/orpeus.html). L’analyse est de Bezalel Narkiss “Pagan, Christian, and Jewish Elements in the Art of Ancient Synagogues” in Lee I. Levine, ed., The Synagogue in Late Antiquity © 1987 by The Jewish Theological Seminary of America.

 

Sur cette représentation du 6ème siècle, du sol de la synagogue de Gaza, David n’a plus de bonnet phrygien mais une couronne. Le nom de David est écrit en hébreux. La lyre orphique est toujours là… Photographie du Jewish Heritage. L’analyse est de Bezalel Narkiss “Pagan, Christian, and Jewish Elements in the Art of Ancient Synagogues” in Lee I. Levine, ed., The Synagogue in Late Antiquity © 1987 by The Jewish Theological Seminary of America.

 

Très populaire, le mythe d’Orphée est à l’origine d’une religion que Platon ridiculisera à cause de son obscurantisme, l’orphisme. Les romains, qui puisent dans la culture grecque pour nourrir leur propre culture, vont, grâce à Ovide et Virgile populariser encore plus Orphée. Dans les riches demeures, les représentations d’Orphée charmant la Nature et jouant de la lyre sont parmi les plus fréquentes, témoignant de cette popularité. On admirait ces sols pavés en société, avec des invités, lors de repas. Orphée montre un rapport rassurant avec la nature sauvage, qui n’est plus dangereuse, mais enchantée. Cet aspect du mythe est le plus prisé pour décorer les maisons antiques que le funeste destin d’Eurydice ou le corps mis en pièce d’Orphée…

Orphée, un jeune homme vieux comme l'Humanité.

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